
Entre ces cabanes une source s'écoulait, son eau chaude guérissait hommes et bétail. Bientôt un établissement thermal local, des "bains", était construit. Les gens du village, de la vallée et d'ailleurs y montaient, à pieds, jusqu'à 2.000 bains par été en 1875.
Suite à un tremblement de terre parait-il, la source se refroidit, son "excellence" et sa réputation diminuèrent. Restait le bâtiment, rustique mais en bon état. Des "Messieurs" de la ville vinrent et louèrent le bâtiment pour, dés 1919, en faire un refuge de montagne. On s'enthousiasme vite à Pau et à Bordeaux, pour ce refuge de l'Abérouat "dans un val si beau qu'il fait songer aux premiers âges du monde". C'est là qu'il prend son aspect actuel (partie refuge) fièrement dressé face au cirque avec ces trois étages – regardez-le de face, et comparez avec les photos d'époque, vous le "retrouverez" tout de suite.

C'est en 1934 que deux jeunes instituteurs sont nommés non loin de là, dans des hameaux reculés d


Barrio et Dutech, tout à fait dans la mouvance sociale et politique de 1936 rêvent d'un centre de montagne où « toutes les jeunesses du monde » pourraient avoir accès à la découverte de la montagne sans barrière de classe ni de religion.
Vient la deuxième guerre mondiale, Barrio et Dutech, toujours ensemble, s'engagent dans la résistance au péril de leur vie; l'Abérouat servira ponctuellement de cache pour certains.
Enfin, après la libération, tout s'accélère. Dés 1946 Henri Barrio fait louer le refuge par la Fédération des Oeuvres Laïques et les premières colos d'été démarrent. L'hiver 47-48, un instituteur hors du commun, Joseph Darrière, invente avec Barrio et ses jeunes élèves de Tardets (Pays Basque) la première classe de neige de France (2) : l'épopée commence.
Arriver en train à la gare de Cette-Eygun; monter à pieds depuis le fond de vallée, halte à Lescun, monter à l'Abérouat dans la neige, toujours à pieds. Le ravitaillement (essentiellement pommes de terre et cochonaille) est fourni par les parents agriculteurs; les deux cheminées tournent à plein pour sécher les chaussettes et le soir les gamins entassent jusqu'à sept couvertures de laines sur leur lit.
En 1949, le premier trio de permanents est nommé : Fernand Lavigne instituteur directeur,

Et puis il y eut la route ! En fait une simple piste empierrée. Certes les cantonniers et le bulldozer firent beaucoup, mais les élèves eux-mêmes, les jeunes instituteurs de l'Ecole Normale,

Lentement, comme s'il prenait son élan pour sauter, le centre est entré de plain pied dans le XXIème siècle : rénovation complète, cuisine à la pointe de la modernité, hautes technologies de l'informatique et de l'internet. Mais les murs, la cheminée où se réchauffaient les gamins de 1948, la vue éblouissante sur le Billare sont restés les mêmes, dressés dans la montagne, tout au bout de la petit route; vaches et juments pacagent toujours alentour; les bergers du XXIème siècle passent et repassent avec leurs brebis, bâtent et débâtent leurs ânes devant le centre pour s'en aller à pieds vers leurs cabanes.
Et, nous le croyons, nous l'espérons, ces dizaines de milliers de bonheurs d'enfants qui ont nourri ce centre depuis soixante ans donnent à ces murs, cette cheminée, cette maison une puissance d'émerveillement et de découverte à nulle autre pareille.
Louis Espinassous - L’Abérouat – Mars 2009
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1. fromage mêlant le lait de brebis et de vache.
2. quatre ans avant la première classe "officielle" dans les Alpes en 1952.
3. champion de ski
2 commentaires:
Je suis allé en colonie de vacances à L'abérouat dans les années 1951 52.C'était organisé par la société MESSIER, le directeur de la colo dont j'ai oublié le nom était instituteur je crois à Gurmençon et habitait je pense vers Sarance. J'ai pu faire lors de ces séjours l'ascension du pic d'Anie la table des trois rois et beaucoup d'autres balades. En même temps que nous il y avait une colo de Paris organisée par Renault ou Air France ma mémoire me fait défaut. Un jour alors qu'ils faisaient de l'initiation à l'escalade, il y a eu un accident et un de leur moniteur s'est tué, je crois qu'il était originaire de Bayonne. A ce moment là, était présent au refuge un garçon qui voulait escalader le Billare, mais il avait dû renoncer cause météo je crois. A cette époque il n'y avait pas d'électricité et le centre était alimenté par un groupe et la nuit par des batteries. Tout ceci est bien loin, mais je me souviens que j'avais passé d'excellentes vacances.
J'ai oublié de dire que à l'époque il fallait faire le chemin Lescun L'Abérouat à pied et nous faisions la course ce qui déplaisait aux montagnards qui nous disaient:" on ne cours pas en montagne" Pour le ravitaillement il y avait effectivement la jeep et nous nous faisions un plaisir d'aider à décharger les provisions.
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